Innovation ou mirage : les néo-matériaux peuvent-ils vraiment transformer nos maisons ?
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Pierre, sable, mortier, briques façonnent nos habitats depuis la nuit des temps, que ce soit pour la construction, l’aménagement ou même la décoration. C’est dire si on connaît ces matériaux de construction ! Mais depuis quelques années, les néo-matériaux ont fait leur apparition et bouleversent les pratiques traditionnelles. Mais est-ce que ces solutions innovantes sont de réelles alternatives pour bâtir des logements plus durables et respectueux de l’environnement ?
Au fait, c’est quoi un néo-matériau ?
Un néo-matériau, c’est un nouveau composant destiné à remplacer ou pallier ceux qui sont habituellement utilisés. Comme par exemple, le chanvre ou même des champignons, il existe une multitude de néo-matériaux élaborés sur la base de recherches souvent assez pointues.
Un néo-matériau est souvent vu comme un composant de construction, néanmoins, il peut aussi servir à l'élaboration d’objets de design. D’ailleurs Lauranne Baudin, créatrice d’Empreinte LB et décoratrice éco-responsable certifiée, explique que "Pour les jeunes créateurs et designers, il est difficile de passer outre cette réflexion sur les nouveaux matériaux. Aujourd’hui, tous cherchent une solution qui les amènera à créer un meuble ou de répondre à une solution." Pour les décorateurs(trices) d’intérieur, c’est un peu la même chose, "C'est un sujet, à mon avis, auquel il est important de s’intéresser ou d’être averti(e) ! Les néo-matériaux permettent de diversifier les ressources avec un impact plus bas que du neuf standard."
Eh oui, face aux ressources qui s’amenuisent, les spécialistes du secteur de la construction et du design se mettent au travail, une façon de se rendre utiles pour l’environnement tout en exerçant leur métier en sortant des sentiers battus.
Mais à quoi ressemble un néo-matériau ?
Tout dépend de sa source ! Il faut savoir que les néo-matériaux pourraient être classés par catégories comme par exemple les matériaux bio-sourcés principalement issus de la biomasse comme le bois, la paille ou le chanvre. Alors qu'elle est connue et exploitée depuis des siècles, la biomasse prend un nouveau tournant et n’est plus employée telle quelle. Elle est désormais étudiée pour optimiser ses propriétés.
On connaît le chanvre pour ses qualités thermiques, insonorisantes et résistantes. Travaillé, il devient du béton de chanvre, un mélange de chènevotte - partie intérieure séchée du chanvre - de chaux et d’eau. Si ce produit était déjà largement utilisé des siècles avant notre ère, puis laissé de côté, il est enfin remis au goût du jour.
Mais ce ne sont pas les seules catégories. Il existe aussi des néo-matériaux issus du réemploi ou de la revalorisation de déchets organiques ou non. Transformés, ils deviennent des isolants, des revêtements de meubles ou encore des composants d’objets design. C'est ainsi que les coquillages, les bouchons de liège, la drêche de bière, les restes de cuir de sellerie ou encore les volants de badminton, le textile et évidemment le plastique ont droit à une seconde vie.
Les néo-matériaux : zéro impact environnemental ?
Pour Lauranne Baudin, le recul sur les nouveaux matériaux n’est pas encore suffisamment grand. "Ce sont des matières nouvelles encore en cours de développement et en constante évolution. Comme toute découverte, le temps permettra d’être certain de leur influence sur la biodiversité et la santé humaine, mais aussi de connaître leur durée de vie."
Néanmoins, ceux qui sont derrière les néo-matériaux contribuent à faire bouger les choses car "c’est en soi du recyclage. Le recyclage c’est ‘le processus de collecte, de traitement et de transformation des déchets pour les réintroduire dans le cycle de production.’ Les déchets peuvent être aussi organiques. Les marques comme Compo’plume qui recycle des volants de badminton et Ostrea Design sont des néo-matériaux et donc du recyclage. En France, cette valorisation est encouragée, mais c’est également un bon appui marketing pour nous faire consommer…" explique Lauranne Baudin.
Si la jeune décoratrice est une fervente défenseuse de la cause environnementale à travers son métier et met en avant "quand elle le peut" les matériaux écologiques, elle nuance, "Même face à un produit 100% recyclable, l’impact est réel sur notre environnement, même s’il est faible."
Les néo-matériaux : en passe de changer le monde (de la construction) ?
Lauranne Baudin analyse l’émergence des néo-matériaux comme "une aide à la réduction des déchets mais aussi un moyen de les revaloriser sous une autre forme pour permettre, entre autres, de limiter l’utilisation d’autres ressources qui commencent à être rares."
Les bouchons de liège sont recyclés en panneaux de sols, en objets de décoration ou en sols pour les aires de jeux et le béton à base de lin est d'ores et déjà employé pour la construction de bâtiments. Alors oui, tout nous laisse à penser que les néo-matériaux n’ont pas fini de faire parler d’eux !
Les nouvelles façons de construire font aussi parler d’elles, élaborées grâce à des techniques ou des matériaux innovants. Par exemple, une imprimante 3D nommée Crane WASP est capable d’utiliser de l'argile, de la boue, du ciment disponibles sur les terrains où ont lieu les constructions pour élever des maisons abordables. Ce système a déjà été adopté par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui ambitionne de réaliser des maisons à bas prix en Colombie.
Nous le savons, les préoccupations environnementales montent en puissance. Face à cela, les réglementations en matière de performance énergétique sont de plus en plus strictes. Cela nous laisse penser que les néo-matériaux ont un avenir prometteur, d’autant plus lorsque les architectes, ingénieurs ou autres professionnels du secteur s’en emparent pour édifier des bâtiments résilients et écologiques.
Les néo-matériaux seraient-ils donc une réponse concrète aux défis du secteur du bâtiment ? Leur développement pourrait bien marquer le début d'une nouvelle façon de construire et de vivre, car l’avenir repose sur des constructions écologiques et non énergivores, au cœur de l’habitat du futur.
Néanmoins, face à cette vague architecturale et de design autour des néo-matériaux, Lauranne Baudin prévient, "L’homme créera toujours des déchets et pour les réduire, il faut envisager de se trouver dans une démarche éco-responsable. Le réemploi ou la réutilisation, sont les premières solutions qui visent à réduire notre empreinte carbone. Je pense qu’avant d’aller vers des néo-matériaux, la deuxième main et la valorisation des objets et matériaux déjà sur place doit s’envisager sérieusement." Et puis il faut dire que la plupart du temps, c’est tout aussi intéressant niveau budget ! Elle conclut, "Le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas." What else ?