Cette peur des banquiers, d’où ça vient ?
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La caricature du "méchant" banquier sévit depuis les origines de la civilisation. Vous avez peut-être en tête cette image d'un homme bedonnant, vêtu richement et qui tient un cigare entre ses lèvres. Pourtant, chez Pretto, nous n’avons jamais eu affaire à un banquier de la sorte. Est-ce donc légitime d’avoir peur de son banquier ?
La banque, le banquier et le conseiller bancaire
Il arrive également de confondre banquier et trader, ce qui peut engendrer une image négative de celui qui engrange le plus d’argent rien qu’en spéculant. Sauf que votre banquier, en plus de ne pas jouer sur le même tableau que le trader, n’a certainement rien à voir avec le "Loup de Wall Street" que Leonardo Di Caprio incarne à l’écran (même si on aimerait bien voir apparaître Léo derrière le guichet…).
Et cette dernière impressionne avec son côté "grande institution" et les idées préconçues véhiculées à droite et à gauche selon lesquelles "il ne faut jamais être à découvert", "les banques ne prêtent qu’aux plus aisés", "les banquiers sont des requins", "la banque veut seulement faire du chiffre"…
D’où vient l’image du banquier peu scrupuleux ?
Banquier est un métier vieux comme Hérode, né au Ier siècle avant Jésus-Christ ; un personnage au service des autres, du commerce et de l’industrie. Le banquier a même été représenté en peinture, souvent à compter les pièces. Il s’agit généralement de portraits plutôt flatteurs puisque commandés par les banquiers eux-mêmes.
Pendant la Renaissance, banquier est un métier qui se pratique en famille entre parents et enfants, à l’image des Fugger, banquiers des Habsbourg.
Au fil des siècles, son image se transforme. Il évoque tour à tour la richesse, le pouvoir, il influence, conseille la bourgeoisie...
L’image peu flatteuse du banquier émerge au XVIIe siècle, alors qu’il s’occupe des finances du monarque. À la fin du XVIIIe, il est taxé de profiteur, de nanti et son portrait jusqu’alors réaliste devient caricatural dans les journaux. Les différentes crises financières de 1929, celles de 1987 et 2007 n'ont en rien métamorphosé la vision qu’a la population du banquier. Car cette représentation est loin d’être uniquement française, c’est une satire que l’on retrouve aussi à l’étranger.
Impossible aussi d’évoquer la mauvaise image des banquiers à travers l’Histoire sans citer le mythe de l’usurier juif. Accusés dès le Moyen Âge d’avoir trahi Jésus-Christ et donc d'avoir précipité sa mort, les populations juives ont été contraintes de porter un signe distinctif pour éviter les mariages mixtes. Rassemblées dans les mêmes quartiers, n’ayant pas le droit de pratiquer les métiers destinés aux Chrétiens (agriculteurs, artisans...), il leur restait ceux de médecin ou d’usurier.
On l’a compris, derrière l'image un brin cartoonesque du banquier avec son cigare se loge des siècles de préjugés.
Mais quelles sont aujourd’hui les raisons qui amènent les gens - notamment les futurs acquéreurs immobiliers - à craindre leur banquier ?
La peur du banquier…
Vous êtes-vous demandé si vous craignez votre banquier et l’établissement bancaire pour lequel il œuvre, l’image qu’ils véhiculent ou la mauvaise nouvelle que votre conseiller bancaire pourrait potentiellement vous annoncer ? On décortique.
La banque est un acteur de la finance qui, dans l’esprit de certains, donne l’impression de considérer davantage l’argent que l’être humain. Elle est d’ailleurs souvent raillée par la société, parfois par les politiques en marche vers une élection qui la jugent responsable de la précarité sociale et l’accusent de délaisser les plus modestes au profit des plus aisés. L’image reste allégorique car les banques ont un rôle bien précis : celui d’être au service des entreprises et de leurs clients.
Ces derniers l’ont bien compris, car selon l’étude FBF-IFOP 2023"Les Français, leur banque, leurs attentes" (étude réalisée auprès de 4 005 Français entre le 6 et le 15 décembre 2022, échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus), 89 % des Français ont une bonne image de leur agence, 88 % ont une vision positive de leur banque et 86 % de leur conseiller. Dans ce cas, pourquoi conserver cet aperçu glacial et péjoratif et en avoir peur ?
… se situe certainement ailleurs !
En France, un crédit immobilier sur deux n’était pas finançable au premier semestre 2023 (Observatoire Meilleurtaux 2023). Si vous avez rencontré votre banquier à ce moment-là, vous aviez alors une chance sur deux d’obtenir un accord (voyons le verre à moitié plein !). De quoi nourrir un peu plus le préjugé selon lequel “on ne prête qu’aux riches”.
La peur est donc légitime, sauf qu’elle émane davantage de l'attente d'une réponse, que d’une action quelconque du banquier. Finalement, c’est ce doute qui fait trembler. Et comme c’est lui qui fait tomber le couperet, le cerveau fait le raccourci : "mon banquier me fait peur !" Car un refus de sa part peut faire tomber à l’eau votre projet de vie.
Sachez qu’un manque d’éducation financière peut conduire à avoir une mauvaise gestion de ses comptes, à se retrouver à découvert ou encore à devoir payer des agios. De fait, ces situations peuvent engendrer de la peur et venir nourrir une aversion envers le banquier, mais également à l’encontre de tout organisme ayant un rapport avec l'argent (les impôts, l’URSSAF, etc).
La bonne nouvelle, c’est que vous avez toujours le temps de revoir votre copie ! N’hésitez pas à vous renseigner, à vous documenter pour arriver d’attaque le jour J tout en sachant de quoi vous parlez. Et il est aussi important de trouver un interlocuteur avec qui vous vous sentez à l’aise, alors n’hésitez pas à en changer.
Vous n’avez pas tout compris à une opération bancaire, à votre crédit immobilier ? N’hésitez pas à vous faire tout expliquer. On craint moins ce que l’on connaît, et le banquier, en tant que prestataire de service, est aussi là pour vulgariser le sujet.
Il est là pour vous accompagner dans vos besoins financiers comme l’obtention d’un crédit immobilier, l’ouverture d’un compte ou le placement de votre épargne. Il doit vous conseiller, décrypter un langage parfois incompris et vous aider à ficeler votre dossier pour qu’il soit le plus complet possible. Certes, s’il est aussi là pour promouvoir les produits de la banque, il est surtout votre interlocuteur privilégié et est capable de faire du "sur-mesure" pour s’adapter à votre situation !
Qu’en pensent les experts ?
Christian Junod est l’auteur de Ce que l’argent dit de vous. Economiste de formation, il explique que ce rapport à l’argent jaillit tout droit de l’enfance de chacun. De fait, pour canaliser cette peur que cela procure, il est selon lui nécessaire de plonger dans son passé voire dans son enfance pour mieux comprendre d’où vient cette relation à l’argent et ainsi parvenir à mieux la maîtriser.
Il a ainsi identifié quatre types de relations négatives avec l’argent qui peuvent modifier une existence et conduire vers des attitudes extrêmes comme la peur de manquer d’argent, celle de se faire avoir ou d’avoir une piètre estime de soi.
Il s’inspire également des travaux de Peter Koenig, auteur de 30 mensonges sur l’argent, conseiller stratégique auprès de grandes entreprises qui a notamment étudié le rapport des hommes à leurs sous. Ce dernier explique que l’argent était originellement dédié à échanger biens et services de façon constructive, une notion qui s’est perdue aujourd’hui puisque, d’une façon générale, la société considère que l’argent est responsable de "faire tourner le monde" ou est coupable de nombreux maux alors qu'en réalité, ce sont les hommes qui en tirent les ficelles.
Il rejoint Christian Junod sur le rapport de certaines personnes à leurs finances, expliquant que lorsque la relation à l’argent est négatif, qu’une personne décrète que "l’argent est sale, est mauvais, sans en être consciente, cela lui fait repousser l’argent" et elle peut se retrouver sans une situation financière instable.
Finalement le rapport que chacun a avec l’argent dépend de son vécu, de son éducation, mais aussi de son caractère.
Dans son livre, Christian Junod explique que les peurs générées par l’argent engendrent "un comportement individualiste qui crée de la séparation entre les individus." De fait, "pacifier sa relation à l’argent, retrouver de la sérénité […] va ouvrir à la possibilité de poser des questions qui tiennent compte des autres, sans s’oublier."
Que ce soit la peur du banquier, celle de se voir opposer un refus de crédit, la crainte de manquer d’argent ou celle de le dépenser, c’est son propre comportement qu’il faut modifier et sa relation à l’argent qu’il serait bénéfique de reconsidérer. Car une plus grande sérénité engendrera forcément un meilleur rapport à ses finances… et à son banquier !