Pourquoi la proposition de loi sur la portabilité du prêt n’est pas une bonne idée ?
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Chez les députés Renaissance, les propositions de loi se multiplient pour tenter de relancer le marché immobilier. Dernière en date, celle de Damien Adam, qui milite pour que la portabilité d’un emprunt soit rendue obligatoire. On vous explique en quoi cela consiste et pourquoi il s’agit malheureusement d’une fausse bonne idée.
La fausse bonne idée de la transférabilité
Dans la pratique, l’idée est simple : vous disposez déjà d’un crédit dans la banque Z. Vous aimeriez déménager et acheter plus grand ou ailleurs, mais les taux vous découragent. Grâce à cette mesure, vous pourriez transférer votre prêt - et les conditions négociées- sur un second achat. Nul besoin de clôturer votre prêt numéro un et de reprendre un crédit aux conditions actuelles (naturellement moins favorables qu’il y a quelques années).
Interrogez un Français déjà propriétaire qui rembourse son crédit au taux d’1,4 %. Peu de chance qu’il soit contre cette proposition. Et pour cause, il y a de sacrées économies à la clé, sur le montant total des intérêts bien entendu, mais aussi sur une éventuelle pénalité de remboursement anticipé (si cette clause n’a pas été préalablement négociée avant la signature de l’offre de prêt - par un courtier, par exemple).
Mais alors Pretto, si cette mesure semble positive, pourquoi vous n’y croyez pas ? Pour comprendre, il faut d’abord rappeler comment fonctionne un crédit immobilier.
Le gros risque, dès lors, c’est que pour se prémunir face à cet effet boomerang, les banques augmentent leurs taux d’intérêt, pour se renflouer. Ce qui aurait pour conséquence de désavantager tout le monde, ceux qui souhaitent racheter (les secundos accédants, dans le jargon) comme ceux qui n’ont pas encore pu accéder à la propriété (les primos). Et voilà comment, à partir d’une mesure “de bon sens” diraient certains, on court le risque d’empirer la situation.
Que faire alors ?
Ok pour la critique, mais alors, que proposez-vous pour relancer le marché et la production de crédit, pourraient nous apostropher certains. Aucune proposition simpliste tout droit tirée d’un chapeau ne viendra réenchanter la situation d’un coup de baguette magique, néanmoins, certains changements de paradigme pourraient aider.
Ce serait notamment le cas d’une révision du fameux plafond des 35 % d’endettement fixé par le Haut conseil de stabilité financière. Une proposition faite il y a peu par un autre député de la majorité, Lionel Causse, mais déboutée à la fois par la Banque de France et par l’Assemblée (et finalement retirée le 29 avril dernier). Dommage, quand on sait qu’aucune règle formelle n’est édictée pour les locataires. Et si on recommande généralement de gagner 3 fois le montant de son loyer, dans la plupart des grandes villes, ce dernier peut représenter jusqu’à 50 % des revenus.
Face à la pénurie de logements disponibles sur le marché locatif, il serait pourtant urgent d’encourager des mesures favorisant l’accès à la propriété pour les locataires. Comme l’allongement des durées de prêt, afin d’augmenter la capacité d’achat des Français.
La transférabilité débattue en septembre prochain
Interrogé par Challenges sur sa proposition (qui sera débattue en septembre à l’Assemblée Nationale) et sur ses échanges avec les établissements bancaires, le député Damien Adam a indiqué ne pas encore avoir eu l’occasion de s’entretenir avec eux. “Mais j’envisage de rencontrer les acteurs bancaires dans les prochaines semaines. (...) on peut s’attendre à une certaine réticence car cette mesure engendrerait pour eux des moins-values potentielles pour le futur. Il faut toutefois qu’elles se rendent compte que le marché immobilier est totalement saturé et que ça limite le nombre de crédits qu’elles octroient. Ainsi, si elles laissaient cette portabilité dans les contrats, les citoyens pourraient être amenés à faire des prêts complémentaires à ceux qu’ils ont déjà. Car s’ils achètent un bien un peu plus cher, il faut compléter le surcoût du nouveau logement avec un nouveau crédit complémentaire. C’est gagnant-gagnant. Les banques feront peut-être moins de revenus futurs, mais malgré tout plus de prêts si le marché de l’immobilier se relance, donc c’est dans leur intérêt.”
La proposition du député Damien Adam ne fait pas des émules auprès des banques. Dans un communiqué dévoilé le mardi 28 mai, La Fédération bancaire française (FBF) met en garde contre les risques. "Depuis quelques temps circulent les idées de portabilité et de transférabilité des prêts, qui ne sont pas nouvelles, et comportent plus d’inconvénients que d’avantages au-delà de la lourdeur et complexité particulières de leur éventuelle mise en place. Elles pourraient surtout remettre en cause ce que sont les atouts protecteurs pour les ménages du modèle français de financement du logement contraire à l’objectif recherché." Cela pourrait signer la fin des taux fixes, une particularité des prêts français (ailleurs en Europe, les taux variables sont légion) qui offre une sécurité indéniable aux acquéreurs de l'Hexagone.