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Renégocier son prêt immobilier

Comment se résoudre à racheter un bien quand on a un taux à 1 % ?

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Catherine
Mis à jour le 15 octobre 2024
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Vous avez acheté il y a quelques années, à une (glorieuse) époque où les taux ne dépassaient pas les 1 ou 2 %. Mais aujourd’hui, l’envie de racheter vous titille. Problème : comment dire adieu à un taux aussi avantageux et se réendetter aux conditions actuelles ? On est allé poser la question aux principaux concernés.
Si clairement le marché immobilier actuel n’est pas des plus cléments pour ceux qui souhaitent devenir propriétaires - la flambée des taux connue l’an passée leur a fait perdre des milliers d’euros et des dizaines de mètres carrés en pouvoir d’achat -, les choses ne sont pas forcément simples non plus pour ceux qui ont déjà acheté.
En effet, ces “secundos-accédants”, comme on les appelle dans le jargon, ont acheté à des conditions plus favorables qu’aujourd’hui. Les prix de l’immobilier étaient plus bas et les taux aussi. Ils ont même pour certains pu renégocier leur prêt, afin de faire un peu plus baisser la note. C’est le cas de Cassandre, 37 ans. “Moi et mon compagnon sommes devenus propriétaires en 2014. À l’époque, nous avions emprunté 201 000 euros à un taux de 2,85 %. Et 5 ans plus tard, les taux ayant baissé, nous sommes allés renégocier notre crédit et avons obtenu un nouveau taux à 1,60 %, ce qui nous a fait économiser plus de 20 000 euros.
Le couple avait fait l’acquisition d’un bien nécessitant de gros travaux (qu’ils ont fait en bonne partie eux-mêmes), et ont pu négocier son prix. Aujourd’hui, ils souhaitent revendre et espèrent faire une belle plus-value. “Le contexte des derniers mois n’est pas idéal pour l’immobilier mais malgré tout, on devrait pouvoir vendre notre maison 100 000 euros de plus qu’on l’a achetée il y a 10 ans. Bien sûr, il faut compter dans la balance le fait qu’on a injecté pour 50 000 euros de travaux.

Ils ont d’ores et déjà trouvé le nouveau bien qui fait vibrer leur coeur, une longère à rénover en Eure-et-Loir. “Il y a encore des travaux à prévoir - c’est notre destin, apparemment, de retaper des maisons - mais ils sont moins importants. Et la vente de notre premier bien devrait pouvoir permettre de tout financer.” De quoi faire passer la pilule et accepter les nouvelles conditions du marché ? Car si le couple n’a pas eu de difficultés à trouver un prêt, ce dernier affiche un taux bien moins avantageux : 3,60 %, hors assurance.

C’est sûr qu’on préfère ne pas regarder le coût total du crédit, et le montant mirobolant des intérêts” confesse Cassandre. “Mais dans notre cas, l’achat d’une nouvelle maison est vraiment guidé par une envie profonde, celle de changer de vie. Donc c’est plus facile de faire le deuil de notre ancien taux.

Et cette dernière remarque n’a rien d’anodine, car elle marque une ligne de front entre les propriétaires, partagés entre leur envie de racheter et de déménager, ou de rester dans leur bien actuel.

Des propriétaires bloqués par le “lock-in effect”

Ce dilemme auquel bien des proprios doivent se confronter, c’est de savoir s’il vaut mieux déménager ou rester chez soi et attendre que le marché s’améliore un peu. Le phénomène a été étudié de l’autre côté de l’Atlantique par la Federal Housing Finance Agency (FHFA), qui lui a donné un nom : le “lock-in effect” (“l’effet de verrouillage” en français), qui bloque chez eux des propriétaires qui bénéficient aujourd’hui d’un prêt à un taux très bas et qui devraient accepter de le voir tripler s’ils vendaient leur bien pour en acheter un autre.

Un phénomène qui s’observe partout où les taux immobiliers ont augmenté (c'est-à-dire dans un bon nombre de pays), et qui a un fort impact sur le marché. Car des propriétaires qui refusent de bouger, cela fait des biens en moins disponibles à la vente, et autant d’acquéreurs qui manquent à l’appel. Car un secundo accédant porte la double casquette : celle d’acheteur et de vendeur. Et quand on sait qu’ils sont majoritaires sur le marché (ils comptent pour les ⅔ des acheteurs), cela pèse forcément sur les transactions.

Secundo-accédant : portrait robot

Qui est donc ce secundo accédant dont on vous parle ? Dans son baromètre publié en septembre 2023, le site Meilleurs Agents le présentait ainsi : un couple âgé de 41 ans ayant 2 enfants, avec un apport s’élevant à 100 000 euros (vs 60 000 euros pour le primo-accédant - celui qui souhaite acheter pour la première fois) et souhaitant emprunter sur 20 ans (contre 25 ans pour le primo).

On estime ainsi que pour 100 points de base d’écart entre le taux en vigueur et le taux du crédit en cours (soit un écart d’1%, en français), la probabilité de revente baisse de 18 %. Aux États-Unis, ce lock-in effect explique à lui seul la chute de 57 % du volume des ventes, et a privé le marché américain d’1,33 million de transactions en 2023. On est loin de l’anecdotique.

Une capacité d’achat moindre qui freine les ventes

Même si ceux qui sont déjà propriétaires de leur résidence principale disposent d’un apport plus conséquent et d’un profil plus séduisant pour les banques que les “primos”, ils subissent eux aussi les effets de la hausse des taux, notamment sur leur pouvoir d’achat immobilier.

C’est le cas de François, 40 ans, qui a acheté fin 2019 un appartement dans les Hauts-de-Seine. À l’époque, lui et sa femme ont emprunté au maximum de leur capacité, à savoir 870 000 euros, à un taux à 1,03 %. “Aujourd’hui, si je voulais réemprunter la même somme, je ne pourrais pas. Notre mensualité devrait passer de 3 400 euros à 5 000 euros.” François a fait le calcul et le constat est brutal : en à peine 5 ans, sa capacité d’emprunt a fondu comme neige au soleil et s’est allégée de 200 000 euros.

Si je vends pour racheter autre chose dans le coin, j’y perds. Soit en superficie, soit sur la localisation.” Pour l’heure, le couple qui a deux enfants ne se voit pas bouger. “Avant, on était locataires à Paris et on a voulu une maison avec jardin pour les enfants.” D’ici quelques années, l’envie de déménager se fera peut-être sentir. “Ce qui pourrait nous aider à avaler la pilule, c’est un autre projet de vie. Emprunter moins mais plus loin. Ou bien si mon salaire augmentait significativement…

L’instant calculs

On le voit avec le cas de François, la hausse des taux a eu un impact sur tous les acheteurs. Mais faisons le calcul, pour être plus parlant. Imaginons que votre foyer perçoive 5 000 euros de revenus mensuels. À l’heure actuelle, vous pourriez emprunter au maximum 343 600 euros sur 25 ans, avec un taux hors assurance de 3,66 %. À l’époque où les taux étaient à 1 %, votre capacité se serait élevée à 464 300 euros avec les mêmes revenus. Soit près de 26 % de plus qu’aujourd’hui.

Louis aussi a fait ses calculs. Ce cadre de 37 ans a acheté avec sa femme il y a 2 ans et demi. Ils ont emprunté 450 000 euros sur 25 ans à un taux d’1,3 %. “Les taux avaient déjà commencé à grimper. Et on a acheté notre maison à un prix supérieur de 20 à 40 000 euros à celui du marché, mais c’était un vrai coup de coeur, alors on a foncé. On s’est aussi éloignés pour acheter. Aujourd’hui, pour racheter la même chose, il faudrait que notre mensualité de crédit passe de 1 900 à 2 500 euros. Ou qu’on achète un bien 100 000 euros moins cher. Clairement, on ne va pas partir de sitôt !

La seule chose qui lui ferait changer d’avis ? Le fait de passer à temps plein en télétravail. “Dans ce cas là, on partirait loin et on irait s’installer près de la mer.

“Pourquoi quitter un logement acheté avec de l’argent quasi gratuit ?”

Quand on se lance dans l’achat de sa résidence principale, c’est généralement pour y vivre plusieurs années. Quand on sait qu’il faut environ 8 ans pour amortir les frais de notaire engagés, on n’est le plus souvent pas trop pressé de repartir. Et les conditions actuelles de crédit n’aident pas les secundos-accédants à se projeter.

Pourquoi quitter un logement acheté avec de l’argent quasi gratuit, en échange d’un nouveau crédit beaucoup plus cher ?”, s’interroge François. D’autant plus que son bien n’a pas pris de valeur depuis l’achat, il y a 5 ans, et qu’il craint à juste titre de devoir revendre sans plus-value voire moins cher, et devoir racheter un bien plus cher. Cette peur d’y perdre au change pèse forcément dans la balance pour bon nombre de propriétaires. Sur qui on rejette souvent la faute du blocage du marché.

En effet, quand on pointe du doigt ces vendeurs qui refusent de négocier les prix à la baisse et d’accepter la réalité, on oublie souvent qu’eux-mêmes vont devoir racheter. Et faire le deuil d’un crédit établi à des conditions qu’on ne reverra sans doute plus avant des années. Ce jump là est bien difficile à accepter. Car quand on investit dans la pierre, on a presque toujours en tête l’idée qu’on pourra revendre plus cher et faire un beau retour sur investissement. Et c’est souvent vrai, du fait de l’explosion des prix de l’immobilier ces dernières décennies.

Cela explique en partie pourquoi les prix demandés par les vendeurs demeurent élevés (sauf chez les plus pressés de vendre, plus prompts à négocier). Outre le fait qu’on surévalue souvent son bien (par attachement émotionnel notamment), il faut aussi prendre en compte la perte en pouvoir d’achat de certains vendeurs, pas sûrs de pouvoir s’acheter autant de mètres carrés aujourd’hui qu’hier.

Or, on le rappelle, ce ne sont pas les propriétaires actuels qui sont responsables de la pénurie de biens sur le marché. Ni des règles d’octroi de crédit fixées par le Haut conseil de stabilité financière. Ni de la flambée des taux suite à la guerre en Ukraine.

Ces propriétaires gèrent deux crédits et deux prix, étant à la fois vendeurs et acheteurs. Alors, qu’est-ce qui peut bien leur faire accepter de sauter le pas ?

Racheter pour mieux ou pour changer de vie

Revenons au témoignage de Cassandre, qui déménagera à l’automne. Comment aborde-t-elle le fait d’avoir signé un prêt à des conditions bien moins avantageuses que la première fois ? “Dans notre cas, je pense que ce qui nous aide à accepter les conditions actuelles, c’est le fait qu’on change totalement de cadre. On va passer de 85 mètres carrés en banlieue parisienne à près de 400 mètres carrés avec vue sur les champs ! Le fait de changer de région nous permet en soi de gagner en pouvoir d’achat. Donc ça permet de beaucoup relativiser. Et puis même si on n’a pas encore posé nos valises, je pense que la rénovation de notre nouvelle maison nous permettra de la vendre plus chère qu’on l’aura achetée. Et je me dis aussi qu’avec un peu de chance, les taux immobiliers vont continuer à doucement baisser et que dans un ou deux ans, on pourra renégocier notre crédit, comme on l’a fait la première fois.

Comme l’explique la Federal Housing Finance Agency dans son rapport, les grandes mobilités se maintiennent. Que ce soit par nécessité (dans le cadre d’une mutation professionnelle par exemple) ou pour répondre à des aspirations différentes (quitter Paris pour la Province, une région pour une autre, un appartement pour une maison), acheter pour réaliser un projet de vie change la donne. Tandis que les déménagements dits de proximité, eux, sont souvent remis à plus tard, dans l’espoir que le marché immobilier devienne plus favorable.

C’est aussi le cas pour Julie, qui réside en appartement dans le Val-de-Marne avec sa famille recomposée. “J’attends que les taux baissent un peu, et de revendre un appartement, pour acheter une maison. Même si avec la hausse des prix, ce n’est pas évident. Mais vivre en maison, avec un grand jardin, c’est vraiment un rêve, un life goal et je vis littéralement pour offrir ça à mes enfants. Alors je sais que même si les taux demeurent hauts, je franchirai le pas.

Et pourquoi pas transférer son prêt ?

Conserver son crédit pour l’achat d’une nouvelle acquisition, quel propriétaire n’en a jamais rêvé ? Il faut dire que l’opération présente bien des avantages. Problème, elle est aujourd’hui quasi impossible, car refusée par les banques (sauf dans de très rares cas, souvent pour des projets à plus d’un million d’euros ou des profils disposant de comptes épargne très conséquents).

En mai dernier, le député de l’ancienne majorité présidentielle, Damien Adam, avait relancé l’idée, déposant un projet de loi à l’Assemblée. Si la portabilité du prêt a existé par le passé - sans pour autant être automatique -, elle a depuis été abandonnée. Le risque principal de cette mesure, ô combien avantageuse pour l’acquéreur : que les banques, qui elles doivent se financer aux conditions actuelles - comprendre avec des taux plus élevés - se prémunissent du manque à gagner en augmentant leurs taux, ce qui désavantagerait les primo-accédants.

Certains, à l’image de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), ont aussi proposé que l’ancien crédit soit transféré au nouvel acquéreur, qui dès lors pourrait bénéficier des conditions de prêt du vendeur. Problème : un crédit est établi sur un profil tout à fait personnel, en prenant en compte ses revenus, ses charges, son reste à vivre etc. Si l’opération est bien inscrite au Code de la consommation (Article L313-25 modifié par loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), en pratique sa mise en place est compliquée, et transférer un prêt d’un monsieur X à un monsieur Y est très rare.

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