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Déménagement

Mètres carrés : pourquoi votre maison ne sera jamais assez grande ?

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Marion
Mis à jour le 28 octobre 2024
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Malgré des logements de plus en plus grands, nous sommes nombreux à exprimer un besoin constant d’espace. D’où vient cette quête incessante de mètres carrés en plus ? Que cherchons-nous à satisfaire à travers cette folie des grandeurs ? C’est ce qu’on a cherché à comprendre dans ce nouveau dossier Immo’tion.

L'évolution de nos espaces de vie : plus grand, moins peuplé

Flashback, 1968.

À cette époque, 11,6 % des résidences principales ne comportaient qu’une seule pièce. Une pièce souvent partagée par plusieurs membres d’une même famille puisque le nombre moyen de personnes par ménage était de 3,1.

50 ans plus tard, on respire ! Les logements se sont agrandis, mais aussi vidés. En 2018, les résidences principales d’une pièce ne représentent en effet plus que 5,8 % et le nombre de personnes par ménage est passé à 2,2.

Les évolutions sociétales et démographiques (vieillissement de la population, hausse des séparations, diminution des familles nombreuses…) ont participé à l’éclatement de cette famille élargie, favorisant progressivement l’émergence de la famille nucléaire telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Les besoins d’intimité et d’espaces personnels se sont renforcés, améliorant au passage la qualité de vie des habitants. Chaque membre du foyer aspire ainsi à des espaces dédiés, qu’il s’agisse de chambres séparées ou de zones spécifiques pour le travail ou les loisirs. Une intimité nécessaire à l’épanouissement personnel et à la création, comme Sonia l’explique :

“Mon conjoint adore jouer à la Playstation dans le salon, ce qui n’était pas évident pour moi quand je voulais travailler un peu plus tard le soir ou lire. Nous avons donc décidé d’aménager un petit bureau dans la chambre, me permettant de m’isoler au calme.”

Une chambre à soi
En 1929, l’autrice britannique Virginia Woolf aborde cette notion d’intimité dans son livre “Une chambre à soi” qui traite de la condition féminine. Elle évoque la nécessité de bénéficier d’un espace personnel, un lieu physique, où une femme peut se retirer pour réfléchir, écrire et créer. Un concept relatif ici aux femmes mais qui nous concernes toutes et tous : un espace où nous retirer participe à notre épanouissement personnel.
Par ailleurs, ces dernières années, le télétravail s’est installé dans nos vies, largement démocratisé avec la pandémie de COVID-19 en 2020. Une pratique qui a redéfini l’usage des habitations. Beaucoup cherchent désormais à aménager des bureaux à domicile, augmentant ainsi la demande en pièces supplémentaires et donc de plus grandes superficies.
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La superficie de nos maisons comme marqueur social

Dans l’imaginaire collectif, un logement spacieux est très souvent associé à un statut social élevé. Avoir une grande maison symbolise la réussite, en particulier dans des pays comme les États-Unis où le culte de la démesure est la norme. C’est d’ailleurs l’un des 4 pays où l’on compte le plus grand nombre de pièces par habitant, aux côtés de l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

Pour le sociologue Pierre Bourdieu, la possession de biens, comme une grande maison, fait partie d’une stratégie de différenciation sociale.

En d'autres termes, les classes sociales utilisent la possession matérielle pour se distinguer les unes des autres. Une grande maison, souvent associée à la richesse, au confort, et au prestige, devient alors un symbole de capital économique, mais aussi de capital culturel.

Ce dernier se manifeste dans l’aménagement et la décoration de la maison, renforçant ainsi la légitimité culturelle et sociale du propriétaire.

L’adaptation hédonique : un frein à notre bonheur ?

Au-delà d’une position sociale, notre désir d'espace est également renforcé par un concept psychologique : l’adaptation hédonique.

Formulé par le psychologue Philip Brickman, l’adaptation hédonique décrit la tendance des individus à s’adapter émotionnellement aux changements de circonstances, qu'ils soient positifs ou négatifs. Concrètement, cela signifie qu’après une période d’ajustement, le niveau de bonheur ou de bien-être revient à un état relativement stable, souvent appelé le niveau de bonheur de base.

En 1978, une étude a illustré ce concept à travers des gagnants de la loterie. Les résultats ont démontré que, malgré un pic initial de bonheur, les gagnants revenaient finalement à leur niveau de bonheur antérieur à la victoire. À l’inverse, des personnes ayant subi des accidents graves (comme une paralysie) revenaient également avec le temps, à un niveau de bien-être comparable à ce qu’il était avant leur accident.

L’adaptation hédonique fonctionnerait ainsi comme une sorte de “stabilisateur émotionnel” permettant aux individus de s’adapter à toutes nouvelles circonstances.

On comprend mieux pourquoi après avoir emménagé dans une nouvelle maison plus grande, plus moderne, plus belle, notre sentiment de satisfaction s’estompe rapidement. Nous finissons par nous habituer à cette nouvelle réalité et désirons encore plus grand, plus moderne, plus beau.

Une quête incessante alimentée par l’insatisfaction et l’habituation, vécue également par Brice et Lorène, un couple de bordelais de 28 et 29 ans :

“En 2023, nous avons emménagé dans un bel appartement de 55 m2 aux Chartrons à Bordeaux après avoir vécu dans 27 m2 pendant 4 ans. C’était incroyable de doubler d’espace ! Pourtant, au bout de quelques mois, nous nous sommes vite habitués à ce nouvel environnement. Notre salon nous semblait vide au début, mais nous l’avons très vite rempli en achetant des nouveaux meubles, de la déco, des plantes… Jusqu’à ce qu’on se dise que 70 m2 serait vraiment idéal. C’est dingue, quand on pense qu’il y a un an, on vivait encore dans 27 m2. Et on n’était pas plus malheureux !”

Désir plus grand : le regard des philosophes

Dans Le Banquet, Platon décrit le désir comme un manque. Pour lui, nous désirons ce que nous ne possédons pas, qu'il s'agisse de beauté, de sagesse ou d'immortalité, ce qui nous pousse sans cesse à chercher au-delà de ce que nous avons. Comme notre couple de bordelais.

De son côté, Aristote place le désir au cœur de l’action humaine, mais souligne que le bonheur ne peut être atteint que si les désirs sont modérés par la raison. Une mise en garde partagée par Schopenhauer, pour qui le désir est source de souffrance car une fois comblé, il laisse place à l’ennui, nous plongeant alors dans un cycle sans fin de nouvelles insatisfactions.

Charlotte, minismaliste, ne se reconnaît pas dans ce désir du “toujours plus” et va même à contre-courant :

“Avec mon copain, on est habitués à vivre avec moins que la moyenne et c'est ce qui nous convient. D'ailleurs, quand on a emménagé, on a attendu plusieurs mois avant d'acheter des meubles, histoire de bien réfléchir à ce dont on avait vraiment besoin. On n’a pas cherché à combler le vide, on l’a plutôt "apprivoisé". On fait souvent de gros tris pour éliminer ce qui est superflu. Même si on aimerait parfois plus d'espace, je ne pense pas qu'on entrerait dans une spirale du "toujours plus.

Pour contrer ce désir infini par nature, ne ferait-on pas mieux de s’inspirer de Charlotte plutôt que de courir après des mètres carrés dont nous nous lasserons dans quelques temps ?

Cette approche n’est pas sans rappeler les “frugalistes”, des personnes qui ont décidé de réduire considérablement leur train de vie pour acquérir une liberté financière.

Le bonheur ne résiderait-il finalement pas dans notre capacité à reconnaître la valeur de ce que nous possédons déjà, plutôt que de pointer du doigt ce qui nous manque ? On vous laisse philosopher là-dessus.

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