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Augmentation de la taxe foncière : mais qui en veut aux proprios ?

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Catherine
Mis à jour le 3 septembre 2024
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Si la rentrée rime avec reprise du travail, récit de ses vacances et fournitures scolaires, elle est aussi synonyme du retour dans les boîtes aux lettres et boîtes mails des avis d’imposition. D’ailleurs, ceux concernant la taxe foncière 2024 commencent à arriver dès aujourd’hui. Un impôt qui devrait encore grimper cette année, symbole pour certains d’une politique pas forcément tendre envers les propriétaires.

Aime-t-on les propriétaires en France ? Voilà le genre de question qui susciterait à coup sûr le débat sur un plateau de télé. Car si devenir l’heureux propriétaire de sa résidence principale demeure un rêve pour beaucoup (selon un sondage Ifop pour le Conseil Supérieur du Notariat paru en mars dernier, 59 % des Français souhaitent acquérir leur logement avant la retraite), il faut bien avouer qu’entre les prix de l’immobilier élevés, les taux d’intérêt - aujourd’hui stables mais très loin des 1 ou 1,5 % connus par le passé - et une fiscalité qui taxe généreusement les propriétaires, on ne peut pas vraiment dire que tout soit fait pour encourager le citoyen à passer du projet d’achat à la réalité.
Et la taxe foncière est aujourd’hui un bon exemple d’une politique de l’aveu de beaucoup pas franchement orientée en faveur des proprios. Selon les chiffres de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), elle a augmenté de 26,3 % en 10 ans (entre 2012 et 2022). Rien qu’entre 2022 et 2023, elle a grimpé de 9,3 % dans les 200 villes les plus peuplées.

Ainsi, pour un bien de 70 m2, elle représente en moyenne 113 euros par mois. Mais que finance la taxe foncière, exactement ?

Un impôt local à la charge des propriétaires

Tout comme la taxe d’habitation, la taxe foncière fait partie de la panoplie d’impôts locaux servant à financer le budget des collectivités locales, principalement des communes. Crèches, écoles maternelles et primaires, clubs sportifs, voirie, services sociaux, activités culturelles, mais aussi les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers et de l’artisanat, c’est l’ensemble de ces charges qui sont financées par la taxe foncière.

À noter

En 2024, ce sont quelque 34 millions d’avis de taxe foncière qui vont être émis. Pour les foyers n’ayant pas opté pour sa mensualisation (soit les ⅔ des propriétaires), les avis arriveront par mail et par la poste à compter de ce mercredi 28 août, jusqu’au 20 septembre. Le paiement, lui, est dû le 15 octobre prochain.

Depuis l’abrogation de la taxe d’habitation sur les résidences principales, amorcée par la loi de finances de 2018 et entrée en vigueur pour tous les contribuables depuis le 1er janvier 2023, la fiscalité locale est passée d’un partage entre propriétaires et locataires à une charge reposant essentiellement sur les proprios. Un choix très politique qui peut soulever des questions.

J’avoue que je trouve cela étrange qu’en tant que propriétaire, je paie un impôt qui finance l’école de mes enfants tandis que les parents locataires n’y participent pas”, s’étonne Mathilde, résidente des Hauts-de-Seine. “Mes amis, qui sont locataires et scolarisent leur fille dans la même école, gagnent pourtant plus que moi !

En supprimant la taxe d’habitation, le président Emmanuel Macron disait vouloir “redonner du pouvoir d’achat aux Français”. Mais cela a pour beaucoup accentué un clivage de longue date, celui qui distingue une France de propriétaires et une autre de locataires.

Suppression de la taxe d’imposition, un bon plan pour le pouvoir d’achat ?
Fin 2023, l’Institut des politiques publiques a souhaité connaître l’impact réel de l’abrogation de la taxe d’habitation pour le portefeuille des Français. Autrefois payée par quelques 24 millions de foyers pour un total de 23,4 milliards de recettes (en 2016), elle représentait environ 700 euros par foyer. Problème : les effets bénéfiques de sa suppression réels pour beaucoup de Français, ont néanmoins été minorés par une hausse de la taxe foncière et des prix de l’immobilier, côté propriétaires, et une hausse des loyers, côté locataires. “Les estimations réalisées ne permettent pas de conclure à un effet clair de la réforme sur la mobilité résidentielle”, souligne le rapport de l’IPP.

Une méthode de calcul jugée “obsolète”

Petit rappel. La taxe foncière est un impôt annuel dû par le propriétaire, même si le bien est loué. Il concerne les maisons et appartements, mais aussi les locaux commerciaux ou encore les places de parking.

Deux paramètres entrent dans son calcul. Tout d’abord, la valeur locative cadastrale du bien (soit le niveau de loyer annuel théorique que la propriété concernée pourrait produire si elle était louée.). On prend 50 % de cette valeur comme base d’imposition, et l’on vient multiplier ce revenu cadastral par un taux d’imposition voté par chaque collectivité territoriale. Ce qui explique que d’un département à l’autre ou d’une ville à l’autre, la taxe foncière puisse faire de vrais grands écarts.

Or, nombreux sont ceux qui critiquent cette méthode de calcul, jugée aujourd’hui obsolète. Parmi eux, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes. Car les valeurs locatives prises en compte ont été fixées il y a 50 ans et n’ont pas été revues depuis. Ce qui provoque bien des paradoxes.

Les coefficients déterminés en 1970 pour caractériser les biens survalorisent les constructions neuves de cette époque, qui sont parfois dégradées aujourd’hui, et sur-évaluent les immeubles anciens de centre-ville, aujourd’hui souvent très cotés. Cela conduit à une taxe foncière qui pèse 2 à 3 fois plus dans les revenus disponibles en Seine-Saint-Denis qu’à Paris. C’est assez aberrant.

Une taxe foncière qui grimpe, qui grimpe

En 2006, l’Union nationale des propriétaires immobiliers a créé l’Observatoire national des taxes foncières pour mesurer leur augmentation sur les propriétés bâties dans toutes les communes de France. Et les résultats de la 17e édition de son observatoire, parus en 2023, sont sans équivoque.

Ainsi, la taxe foncière a bondi de +60,8 % à Paris, +44 % à Meudon ou encore +32,9 % à Grenoble l’an passé. Des augmentations en flèche dues à la valorisation des valeurs locatives cadastrales, indexées sur l’inflation. Ainsi en 2023, cette dernière a grimpé de 7,1 %, ce qui a mathématiquement gonflé les avis de taxe foncière. Seules 82 villes en France avaient compensé la hausse de la VLC, sans augmenter voire en diminuant un peu le taux d’imposition voté par les collectivités territoriales.

Cette année encore, il faut s’attendre à une hausse, plus faible, certes, mais hausse tout de même. La valorisation des valeurs locatives cadastrales se situant à +3,9 % en 2024. Il faut tabler sur une augmentation moyenne de la taxe foncière de +4 %.

Bon à savoir

Selon une étude de Meilleurtaux, dans les 20 plus grandes villes de France, la taxe foncière représente un mois de mensualité en plus, voire 2 mois là où elle est la plus élevée.

Ce qui n’est pas vraiment pour réjouir les propriétaires. À l’image de Loïc, qui vit en pavillon avec sa famille en Essonne. “C’est vrai que depuis 2023, on ne paie plus la taxe d’habitation. Mais la taxe foncière, elle, ne cesse d’augmenter. Je me demande à ce train là où elle se situera dans quelques années…

Des propriétaires trop taxés ?

Du côté de l’Union nationale des propriétaires immobiliers, ça ne fait pas de doute : on charge trop les propriétaires. “Aujourd’hui, c’est la colère qui succède au découragement. Avec la suppression de la taxe d’habitation et l’explosion des taxes foncières, ils ont l’impression de payer seuls pour tous.” Si la fédération présidée par Sylvain Grataloup n’y a pas avec le dos de la cuillère, il faut rappeler que les mesures annoncées ces dernières années ne sont pas pour rassurer propriétaires et investisseurs.

C’est notamment le cas de la récente proposition de loi visant à supprimer l’avantage fiscal pour les propriétaires de locations meublées, en particulier les résidences de tourisme. L’idée : remplacer l’abattement forfaitaire de 71% sur les loyers perçus par un taux unique à 40 %. Autres mesures pas du goût de tous, le blocage des loyers en zone tendue ou encore l’amélioration énergétique à la charge du propriétaire (avec interdiction de mise en location pour les logements affichant les plus mauvais DPE).

Ces dispositifs censés protéger les locataires atteignent aussi nombre de retraités dont le loyer perçu d’un bien légitimement acquis au cours de leur vie vient compléter une maigre retraite, notamment chez les commerçants et artisans”, souligne Jean-Philippe Delsol, avocat et président de l’Institut de recherches économiques et fiscales.

Accéder à la propriété reste un rêve pour une majorité, une façon de se bâtir puis de léguer un patrimoine à ses proches et de sécuriser son avenir. Et alors que le ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin rappelait le mardi 27 août au micro de RMC que “le logement représente pour nombre de Français jusqu’à 50 % du budget mensuel” (on parle ici des locataires, car pour les propriétaires, le Haut conseil de stabilité financière plafonne l’endettement à 35 % des revenus), beaucoup d’acteurs du secteur espèrent des mesures favorisant l’achat immobilier.

L’immobilier, un secteur qui rapporte

Accusé de coûter cher en aides et autres abattements (un montant évalué à 41,5 milliards en 2022, en comptant les aides aux locataires telles que les APL), l’immobilier demeure une source de financement importante pour l’État et les collectivités territoriales. Ainsi en 2022, les recettes fiscales s’élevaient à 96 milliards, selon le Rapport du compte du logement 2022 établi par le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. 44 % de cette somme correspond à la taxe foncière et aux droits de mutation (plus connus sous le nom des “frais de notaire”).

Vers une taxe foncière plus juste ?

Pour l’UNPI, “la revalorisation annuelle des taxes foncières repose sur des règles iniques”. Parmi ses propositions, l’indexation des valeurs locatives non plus sur l’Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) - un indicateur européen - mais sur l’Indice des prix à la consommation (IPC), qui tiendrait mieux compte de la situation française et qui “augmenterait moins vite”.

L’organisation milite également pour un blocage de la revalorisation des valeurs locatives à 3,5 %, “comme cela est fait pour les loyers.” Il s’agirait d’une mesure “d’équité fiscale”, déjà portée par des députés à l’automne 2022 mais qui n’a depuis pas été reprise par le gouvernement dans son projet de loi de finances.

Il faut remettre de la justice et de la démocratie dans la fiscalité locale : avec le report de la taxe d’habitation sur la taxe foncière, les propriétaires bailleurs payent seuls pour des services qui profitent à tous. Ils payent exclusivement pour les autres et n’ont pas le droit de vote aux municipales. A minima, ils doivent pouvoir, comme pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, mettre la taxe foncière à la charge du locataire”.

La Cour des comptes, quant à elle, milite pour une correction globale des valeurs locatives, pour mieux rendre compte de l’état actuel du parc immobilier français. En effet, les biens construits avant 1960, pour une bonne partie aujourd’hui rénovés, sont “sous cotés” par la VLC, a contrario de biens plus récents. Selon une note de l’Insee datant de décembre 2023, l’obsolescence des bases locatives utilisées dans le calcul de la taxe foncière fait qu’elle pèse moins sur les propriétaires les plus riches. Rapportée aux revenus, le taux d’effort est plus élevé pour les propriétaires modestes (4 % des ressources), là où la médiane est à 2,5 % et seulement 1,5 % pour les 1 % des ménages les plus riches.

Une révision globale, d’abord prévue pour 2026 et depuis repoussée à 2028, devrait corriger cela. Mais avec un autre effet de bord : les biens d’avant 1960 qui ont été rénovés (notamment dans les centres-villes) devraient voir leur valeur locative grimper. De quoi faire craindre chez les observateurs une nouvelle “explosion” de la taxe foncière…

Pour aller plus loin
  • Vous souhaitez connaître le taux d’imposition dans votre localité ? Le ministère de l’Économie a mis en place un outil en ligne permettant de suivre leur évolution. Les données pour l’exercice 2024 seront bientôt ajoutées.
  • Si seuls 35 % des foyers français assujettis à la taxe foncière ont opté pour sa mensualisation, l’option peut être bénéfique pour lisser son impact sur l’année. Si vous préférez le paiement en une fois, pensez bien à prévoir cette dépense.

  • Il est possible, sous condition, de bénéficier d’une exonération temporaire ou permanente de la taxe foncière. Pour en savoir plus, c’est ici.
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