Acheter une maison en Italie pour 1 euro, bon plan ou galère assurée ?
Des maisons pour le prix d'un pain au chocolat ou d'un café ? Ces annonces de jolies maisons italiennes à des prix symboliques envahissent la toile depuis quelques années. Mais est-ce une opportunité en or ou un simple mirage ? Nous avons mené l'enquête pour vous.
Una casa in Italia
Redonner un souffle aux villages abandonnés
Ah, l'Italie ! Son art de vivre inégalé, son histoire passionnante, ses monuments intrigants, ses pizzas napolitaines et ses paysages à couper le souffle. Avec ses 1300 variétés de pâtes, on pourrait consacrer un article entier au charme de ce pays. Mais ce qui vous intéresse sûrement, c'est de savoir si vous pouvez vivre votre propre aventure "Mange, Prie, Aime" dans une maison sicilienne.
C’est d’ailleurs en Sicile en 2017 que tout a commencé avec le programme "Case a 1 €". Bien que certains aient été sceptiques, les maires de Mussomeli, Sambuca di Sicilia et Gangi y ont vu une opportunité en or pour revitaliser leurs communes désertées. Dans les années 1920, poussés par la misère, de nombreux habitants ont quitté la campagne pour rejoindre les grandes villes. De plus en plus de villages se sont retrouvés avec une population vieillissante.
Face à ce déclin démographique, certaines mairies italiennes ont décidé de tenter le tout pour le tout : vendre des maisons pour 1 €. À 2h30 de Palerme, Gangi, l'un des plus beaux villages d'Italie, a mis en place ce dispositif et ça marche ! 80 maisons ont été vendues et l'économie locale connaît un renouveau qui donne de l’espoir aux habitants.
Alessandro Cilibrasi, agent immobilier à Gangi, a partagé au micro de Public Sénat le succès retentissant de cette initiative à son lancement en 2017 : “Je dois dire que cette année, l’opération a eu un succès énorme. Nous avons eu de la chance, les journaux télévisés en ont parlé. Il y a eu un boom médiatique mondial qui a suscité un grand intérêt pour les maisons à 1€. On a eu plus de 1 000 demandes et beaucoup de gens viennent des quatre coins du monde pour visiter Gangi.”
Certes, les mairies ne s’enrichissent pas mais le véritable objectif était surtout de préserver le patrimoine italien tout en attirant de nouveaux résidents. À long terme, cette stratégie vise à ramener des habitants qui, en consommant et revitalisant l’économie locale, insuffleront une nouvelle vie dans ces régions.
Pour ce prix, vous vous doutez bien que vous n'achetez pas une charmante casali sicilienne (ferme traditionnelle en pierre) ni même une rustici toscane (maison de campagne en pierre) entourée de vignobles.
Pour autant, les maisons mises en vente sont la plupart du temps anciennes et ont ce cachet propres aux vieilles maisons en pierre. Le plus souvent délabrées, elles nécessitent des rénovations structurelles majeures et ne sont parfois raccordées ni à l’eau ni à l’électricité. En clair, vous devez garder à l'esprit que ce sont des biens à rénover totalement.
Au micro de Public Sénat, Michele Di Marco, fier propriétaire d’une maison à un euro, montre sa nouvelle demeure entièrement rénovée. Ancien entrepreneur à Palerme, il a tout refait de A à Z pour 60 000€. De son nouveau cocon, il ne restait que la structure et des installations d’un autre siècle. Il explique notamment : "Avant, la salle de bain, c’était deux pots. Je les ai gardés en souvenir."
À qui appartenaient-elles ? Il s’agit de biens cédés ou abandonnés par leurs anciens propriétaires et repris par les collectivités locales qui les revendent.
Des règles à respecter
Si l’initiative séduit de nombreux acheteurs potentiels (et s’est même développée dans d’autres pays depuis), elle reste toutefois encadrée par des règles strictes, définies par chaque village. Du prix aux conditions d'acquisition, en passant par l'utilisation du bien, chaque commune fixe ses propres modalités.
Car face à ce prix qui bat toute concurrence, des investisseurs ont vu là l’opportunité d’un cash-flow bien juteux. Le cashflow, c'est l'argent qui reste après avoir payé toutes les dépenses liées au bien, comme le prêt, les taxes et les réparations. Et pour contrer cela, la quasi totalité des municipalités ont décidé que les acquéreurs ne devaient pas en faire un business. L’objectif principal est de repeupler ces villages, alors les communes restent sélectives pour s'assurer que l’opération apporte véritablement de la vie à leur localité.
Les règles, bien que définies par chaque village, sont souvent similaires :
Rénovation avec des artisans locaux : Vous devez vous engager à réhabiliter la propriété en respectant son charme d'origine, en conservant les façades en pierre par exemple. Certaines régions, comme la Sardaigne, offrent même une subvention de 15 000 euros aux futurs acquéreurs pour les aider à couvrir les frais de rénovation.
Respect des délais de travaux : Vous devez réaliser les travaux de rénovation dans le temps imparti par la commune après l’achat. Pour certaines villes, ce délai est fixé à un an, mais il est courant que les travaux commencent dans les deux mois suivant l'obtention des permis.
- Résidence partielle : Vous devez séjourner au moins six mois et un jour par an dans le village.
Obtention d’un numéro fiscal italien : Pour acheter, il est nécessaire d'avoir un numéro fiscal italien. En tant qu’Européen, la démarche est simple : rendez-vous à l’ambassade d’Italie à Paris pour obtenir ce document, indispensable pour l'achat et pour les relations avec les organismes publics et l'administration fiscale.
Attention, bien que le prix de vente affiché soit d’un euro, des coûts supplémentaires, tels que les frais de notaire, sont à prévoir.
Séduit(e) par la perspective de la dolce vita ? Votre maison italienne à un euro vous attend toujours ! La quasi-totalité des régions italiennes proposent ces programmes alléchants. Pour dénicher votre maison en pierre, rendez-vous sur le site italien casea1euro.it. Mais ne vous précipitez pas pour acheter en ligne. Prenez le temps de vous déplacer pour évaluer l’ampleur des travaux nécessaires. Et puis, quelle meilleure excuse pour s'envoler vers le pays des pasta et savourer un avant-goût de la vie qui vous attend en Italie ?
Alors, rêve ou mirage ?
Si cette offre peut sembler trop belle pour être vraie, elle est en réalité très sérieuse et apporte de véritables avantages aux municipalités. Giuseppe Ferrarello, maire de Gangi, explique : “Naturellement la mairie n’a aucune recette directe, mais indirectement les retombées sont considérables. Un acheteur qui vient, qui fait restaurer sa maison, fait travailler les artisans, il achète ses matériaux, et cela fait des revenus directs dans toute l’économie locale sans aucun investissement de la mairie.”
Ensuite, il y a la partie rénovation. Même si la maison ne coûte qu'un euro, vous devrez payer des travaux qui peuvent atteindre jusqu'à 80 000 €. C’est toujours plus abordable qu’une maison en France, mais cela reste un budget. Ajoutez à cela les frais administratifs et l'inscription au registre foncier.
Et côté financement ?
Pour Henri Dubois, courtier immobilier chez Pretto, acheter à l’étranger en tant que Français peut sembler un défi, mais n'est pas mission impossible. “Il y a deux solutions. Soit on passe par les banques en France, mais il faut mettre un gros apport, environ 40 à 50 % du prix total, rénovations incluses.”
Sinon, vous pouvez tenter votre chance avec les banques locales. “Il faut trouver celle qui accepte de le faire et ça peut être assez compliqué”, ajoute Henri. La difficulté réside souvent dans le fait que vous venez de vous installer et n'êtes pas encore résident. Vous devez aussi prouver que votre situation financière est stable selon leurs critères.
Mais qui dit compliqué, ne dit pas impossible ! Malgré ces défis, de nombreuses familles ont pris ce risque et partagent leur satisfaction sur les réseaux sociaux, ravies d'avoir franchi le pas vers une nouvelle vie en Italie.
L'Italie n'est pas le seul pays à avoir mis en place ce programme unique ! En France, la commune de Roubaix s'est inspirée de cette initiative en lançant son opération "Maisons à 1 euro, avec travaux" en 2018 pour redynamiser les quartiers délaissés de l'Alma et de la Fraternité.
Ces quartiers, construits à la hâte dans les années 1960 pour répondre à l'explosion démographique due au boom de l'industrie textile, ont souffert de la fermeture des usines et de l'exode des ouvriers. Le programme de Roubaix avait lui aussi pour objectif d'attirer de nouveaux habitants et de favoriser la rénovation en vendant des maisons inhabitables pour un euro symbolique.
Au micro de Documentaire Société, le maire de Roubaix, Guillaume Delbard, a expliqué que l'entretien de ces maisons vides, souvent squattées ou devenues le repaire de trafics, coûtait environ 3 000 € par an par maison. Remettre ces maisons en état aurait nécessité un investissement de 3 millions d'euros, alors que la vente permet aussi bien de redynamiser la ville que de collecter des taxes et de réduire la criminalité dans ces quartiers presque abandonnés.
“Le risque avec ces maisons, si on ne s’en occupait pas, c’était qu’elles se dégradent progressivement,” souligne le maire. L'opération a rencontré un certain succès, avec une vingtaine de maisons vendues et plusieurs rénovations engagées. Cependant, le programme a aussi suscité des critiques, notamment sur la sélection des acquéreurs et les difficultés que certains ont rencontrées pour financer les travaux.
Des ruines à rénover et un cadre de vie paisible à l’italienne : voilà le décor parfait d’un scénario romantique à la Netflix. À condition d’être prêt(e) à investir un peu plus que le prix d’un pain au chocolat et à relever le défi des travaux. Si le bricolage n’est pas votre tasse de thé, sachez qu'il existe également d'autres maisons en meilleur état qui n’attendent que vous dans ces charmantes bourgades italiennes.