Immo clash : quand la recherche d’un bien met le couple à l’épreuve
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ll y a des étapes dans la vie d’un couple qui s’apparentent à des montagnes russes : s’installer ensemble, se marier, avoir un enfant… Et l’achat immobilier fait naturellement partie de ces moments forts où ça passe ou ça clashe. Alors pourquoi ça coince et comment faire avancer son projet malgré tout ? Entre témoignages et conseils de pro, on a enquêté sur le sujet.
Le titre de cet article est un clin d'œil au baby clash, soit le tsunami qui frappe le couple lors de l’arrivée d’un bébé. Eh bien là c’est pareil, mais avec une maison. Rapport à l'engagement, charge mentale, poids financier... Les points communs entre les deux sont plus nombreux qu'on le pense.
L’un des événements les plus engageants qui soit pour un couple
Acheter à deux, ça vous engage sur le long terme. D’ailleurs pour 63 % des Français, s’offrir les clés de cet appartement avec terrasse à l’origine d’un coup de coeur, c’est l’un des événements les plus engageants qui soit pour un couple, juste derrière le mariage et la naissance d’un enfant (selon une étude YouGov pour Meilleurs Agents).
Recherche du bien : savoir aligner ses envies
Alors, en immobilier, le dicton des agents qui veut que ce soit “la femme qui décide” serait-il vrai ? On a horreur de ce genre de raccourcis stéréotypés, mais les chiffres lui donnent tout de même raison. Selon une étude Médiamétrie x SeLoger dévoilée en 2019, les femmes ont tendance à prendre les rênes de la recherche immo. Ainsi, 56 % des visiteurs de la plateforme d’annonces immobilières sont des femmes. Et quand, lors d’une visite, madame n’est pas fan du bien mais monsieur oui, il y a peu de chance que le couple achète. Henri confirme : “À partir du moment où on n’a pas été d’accord, c’est elle qui a eu gain de cause”.
Sans vouloir imposer ses choix à l’autre, l’acte d’acheter à deux soulève bien des questionnements. Auteur d’une étude intitulée L’irrationnel dans l’acte d’achat immobilier présentée dans le cadre du Salon national de l'immobilier en 2007, le psychiatre Jacques-Antoine Malarewicz explique combien l’achat en couple revient à confronter ses goûts, ses valeurs, son rapport à l’argent ainsi qu’à l’engagement, à deux mais aussi avec une maison ou un appartement. “L’acte d’achat réactive les loyautés familiales, les valeurs transmises par les familles d’origine”, explique-t-il en outre dans un entretien accordé à Psychologies Magazine.
Il faut faire avec les vestiges de son éducation mais aussi ses peurs. Car acheter, c’est se projeter dans un lieu pour plusieurs années. Mais aussi se poser des questions sur les choses à mettre en place en cas de coup dur ("Si il/elle un accident causant une invalidité ou pire, comment payer le prêt ?", "Est-ce qu'on fait un testament/on se pacse/se marie ?) Et il est normal que cela revête quelque chose de l’ordre du vertigineux.
Pour vivre protégés, vivons mariés ?
Psychologue spécialisé dans le couple et la famille interrogé par Madame Figaro, Fabien de Bienasis explique sa “méthode” pour dénouer certaines tensions. “Je conseille souvent à mes clients de prendre leur temps pour expliciter, chacun leur tour, tous les détails qui composent la maison idéale. C’est le moment où l’on se rend compte de la compatibilité de son couple. Même s’il ne faut jamais faire de généralités, quand on ne s’entend pas sur grand chose, il vaut mieux attendre un peu avant d’acheter ensemble.”
D’ailleurs, les couples ont tendance à laisser s’écouler au moins deux ans avant de sauter le pas et d’investir à deux, selon une étude menée par Meilleurs Agents et YouGov paru en février 2023. Mieux vaut être sûr de vouloir la même chose avant d’investir à deux.
Gérer la charge mentale
Ça a été le cas de Nelly, qui après le Covid a eu très envie de quitter son petit F3 parisien pour une grande maison à la campagne. Et c’est elle qui a tout géré de A à Z. “Ça s'est super bien passé parce qu’on a bien défini les rôles”, nous explique cette journaliste indépendante de 38 ans. “C’est moi qui était super proactive. J’avais très envie de ce départ alors j’ai pris les rênes et je l’ai assumé pleinement.”
Au sein de ce couple, les tâches se sont réparties ainsi : à elle la recherche du bien, à lui la gestion de leurs deux garçons. “Jean était là à chaque étape, ça a été un soutien. Il m’écoutait, il avait toujours son mot à dire et on avançait ensemble. Mais c’est moi qui centralisait toutes les infos - je suis freelance donc j’étais très disponible pour avancer sur le sujet en parallèle du travail, alors que lui est salarié. En plus, c’était mes fonds, issus de la vente de mon appartement, alors forcément ça me concernait plus. Lui a géré les garçons, tout le quotidien, l’administratif…”
Après une quinzaine de visites dans la région bordelaise, le couple a fini par avoir un coup de cœur pour une belle bâtisse nichée dans un hameau - un sacré grand écart avec le 15e arrondissement. Nelly retire de cette aventure une vraie force. “Ça m'a vraiment donné confiance en moi. C’est moi qui ai trouvé la maison, qui ai vendu mon appartement. Jean de son côté s’est montré très valorisant. On a bien trouvé notre équilibre.”
Bien sûr, ce partage des tâches - dans certains cas plus bancal - n’est pas toujours aisé au sein d’un couple. Dans mon cas, l’équilibre a été, comment dire, plus périlleux à atteindre. L’avantage, c’est que j’ai désormais un bon carnet d’adresses d’agents immobiliers en Orne et Eure-et-Loir et une fine connaissance du marché local. Surnommez-moi Huggy-les-bons-tuyaux (la réf n’est pas “datée”, c’est un classique).
L’achat immobilier, un catalyseur de tensions et un accélérateur dans une relation
Car les arguments visant à temporiser le projet (“Mais imagine, les voisins sympas qu’on a croisés durant la visite déménagent et sont remplacés par un couple horrible”) cachent toujours quelque chose. La peur du changement, souvent. “Il faut que chacun puisse exprimer ses besoins et que ces besoins soient entendus et écoutés”, insiste la psychologue. Un achat immobilier à deux, c’est un projet à co-construire ensemble afin de répondre à ses aspirations, sans écraser l’autre.
Malheureusement, il n’y a pas de recette miracle lorsque le projet pédale dans la semoule. Comme le rappelle Mathilde Bouychou, “le couple nécessite un travail de chaque instant”. Pour dénouer une recherche immobilière qui mouline, on recommande le recours à la communication non-violente, au “je” pour exprimer ses besoins. Et à l’inverse, on évite le “tu qui tues”, qui bascule souvent dans la récrimination. Exemple : “J’ai l’impression de gérer les recherches seul(e), je ne me sens pas soutenu(e).” versus “Tu ne fais rien !”
Trouver un terrain d’entente demande souvent des compromis et de se recentrer sur l’essentiel et sa vision commune de l’avenir. Quitte à délaisser quelques critères au passage. Dans mon cas, ça a été un changement de région et un projet de gîte remis à plus tard, pour se focaliser sur la maison qui allait nous faire vibrer pour ces prochaines années. Mais pour d’autres, le terrain d’entente n’est jamais trouvé.
“Ça arrive que tout le monde ne soit pas en capacité de se remettre en question”, confesse la psychologue. “Moi, je peux aider les couples à mettre du sens. Mais seuls eux peuvent mettre les choses en place. Et ce n’est pas qu’une question de volonté, c’est aussi une histoire de responsabilités”. Une sorte d’épreuve du feu, si on veut, qui peut mettre le couple à l’épreuve (voir définitivement le briser pour certains, déjà sur la brèche). Je vous rassure, ce n’est pas mon cas et vous pourrez bientôt me demander comment j’ai baptisé mes poules.